DECOUVERTE, GASTRONOMIE, NICE

L’EMPEREUR DE LA SOCCA

Qui ne connait pas ce personnage hors du commun, que nous avons proclamé : « L’EMPEREUR de la SOCCA »

Roland DE ZORDO.

La SOCCA est une spécialité culinaire typiquement locale. Il faut remonter au XVIe siècle pour connaitre une possible hypothèse de l’origine de ce produit. En effet, les habitants du Comté de Nice furent souvent assiégés par les Français et les Italiens. Ils résistèrent et ne furent jamais affamés grâce à leur stock de farine de pois chiches et huile d’olive.

Nous allons vous faire partager l’histoire de cet homme, un personnage truculent de 82 ans, ses origines très diverses et son impressionnante carrière 

SA FAMILLE : Européenne avant l’heure.

Son grand-père paternel Italien travaillait dans la construction de tunnels. Se rendant en Autriche pour exercer son métier, il rencontra un entrepreneur autrichien qui avait une fille et l’épousa. De cette union, naquirent six enfants, trois en Italie et trois en Autriche, dont JOSEPH, le père de Roland. Entre les deux guerres, il pressentait déjà que les évènements allaient mal tourner et alors qu’il travaillait la construction de la ligne Nice Coni, il fit pénétrer en France, toute sa famille, en les faisant passer pour des ouvriers du chantier.

MON PÈRE, CE HÉROS

Roland avec ses parents

Lors de la Deuxième Guerre mondiale, le père de Roland fut enrôlé dans le service du travail obligatoire, (STO), au château de Nice. Heureusement, un jour, l’un des soldats allemands, lui dit, ne viens pas demain, car le chantier est fini et vous allez être exportés en Allemagne. JOSEPH a alerté tout un réseau de deux cents personnes pour s’enfuir dans l’arrière-pays, échappant ainsi à une triste destinée. Souvent, on lui a dit, tu es le fils de DE ZORDO, ton père m’a sauvé la vie.

Il faut attendre 1947 pour que son père soit naturalisé Français

Côté MATERNEL, son grand-père, natif d’Alba, était marchand de nougat. Il avait épousé une Éthiopienne couleur « café au lait » et était arrivé en France en 1920 à la trinité. Roland DE ZORDO se souvient, quand il descendait, de son village natal, Drap, vers Nice, on lui disait, tu n’es pas le petit fils de la « mora » ? Il en parle avec un léger sourire et en profite pour préciser, c’est peut-être pour cela que j’ai un œil vert et un œil marron, je suis un vairon1.

Roland a 18 ans au festin des cougourdons

ROLAND a 13 ans à la mort de son père, il ne tarde pas à quitter l’école de Don Bosco pour poursuivre la tradition familiale. Il fabrique et vend du nougat, participe à des concours, notamment lors du festin des cougourdons2. Comme le miel de lavande devient rare et les amandes plus chères, il opte pour un stand de tir, d’où ses surnoms, en fonction des vallées : Joss, Johny ou Ringo.

Roland se marie en 1959 avec Florence, mais il l’appelle Caille, en souvenir des pieds noirs qui dénommaient ainsi les filles qui se promenaient dans l’artère principale de Boutlélis. Caille, elle est tout pour Roland, sa femme, son adjointe, sa mémoire, sa comptable et la liste est encore très longue. D’ailleurs, il ne se passe pas cinq minutes sans qu’on entende la voix de Roland, Caille…

COTE CUISINE

Forain dans l’âme, Roland entame une carrière dans la restauration, tout d’abord, au festin de Clans (arrière-pays niçois) il commence à accepter la partie restauration et devient traiteur ambulant (daube, raviolis, fête de la bière…).

        La famille DE ZORDO à Cimiez (Pans-Bagnats)

 En 1960, il se lance dans les pans-bagnats à Cimiez, lors de la commémoration du rattachement de Nice à la France. Puis, grâce à un personnage célèbre de l’époque, Claude CITTERIO, il rencontre Simone GINIBRE, la collaboratrice de George WEIN l’organisateur de la grande parade du jazz à Cimiez et lui dit « je suis le roi du Pan-Bagnat » ! Il ne quittera plus les arènes de Cimiez.

Mais alors, la SOCCA ? La vocation de Roland de ZORDO est due à Jacques MEDECIN. En effet le maire, souhaitait que la socca soit offerte aux invités, lors des garden-partys de Cimiez. Mais, comme le site est classé, aucun des marchands habituels de socca ne pouvait proposer ses services en installant un four à demeure.

Jacques MEDECIN s’adressa à Roland et lui demanda « toi qui es forain, pourrais-tu construire un four sur une remorque et tu auras la place pour la vente de la SOCCA ».

Pari tenu, Roland de ZORDO a réalisé 6 fours sur remorque et c’est ainsi qu’il a fait goûter cette spécialité typiquement niçoise, d’abord dans sa région, mais aussi à Genève, Ottawa, Brie-Comte-Robert, aux Champs Élysées ! Il a refusé la muraille de Chine et Macao. Toutefois, notez bien, depuis 26 ans il est le fournisseur officiel de la Principauté de Monaco. Il a fait la socca à la villa Rocagel et chaque année, en septembre, lors du pique-nique traditionnel ! Depuis, il monte son four au 6e étage du yacht-club pour la réception annuelle.

 

 

 

 

 

 

Roland DE ZORDO nous confie la véritable recette de la socca

300 g de farine, un litre d’eau, 20 g de sel et de l’huile d’olive douce (répandue sur la plaque en cuivre étamé), cuisson dans un four à bois qui ne fume pas (hêtre, chêne, frêne). Concernant l’eau, celle de Nice est traitée à l’ozone, donc utilisable, mais à Paris, comme elle est chlorée, il faut avoir recours à de l’eau en bidons. Dans les Alpes Maritimes, l’eau de qualité, c’est celle de source de Breil sur Roya, Valdeblore ou Sospel.

Roland choisit les meilleures matières premières, mais son secret réside dans la farine de Mondini (Italie) et dont la mouture a la texture du talc. Et de plus, c’est sans gluten !

Au-delà du produit, Roland est un grand communicant, il a le respect inconditionnel du client et sa verve est intarissable. En plus du français de l’italien et du niçois, il rassure son interlocuteur, car il peut traduire « pois chiche » dans toutes les langues. Son slogan : Toujours imité, jamais égalé.

Nous arrivons au terme de notre entretien avec les questions traditionnelles :

Son restaurant de prédilection : aucun, car il y va très peu.

Son plat préféré : la porchetta italienne, mais un petit faible pour le fromage de tête, le poulpe ou la tête de veau.

Chez l’être humain, il aime la sincérité et non l’hypocrisie, il a plus été payé en ingratitude qu’en remerciements, il a horreur des envieux qui sont des incapables

Son plus grand regret : je n’en ai pas, dit-il ;

Son plus grand souhait : si dieu existe, j’aimerais qu’il mettre un peu d’ordre dans ses soi-disant prophètes

S’il devait recommencer sa vie, il ne changerait rien. Aujourd’hui, il travaille pour le plaisir.

Roland et Caille

Ses fiertés : les membres de famille DE ZORDO, ils sont arrivés pieds nus, ils ont tous réussi; ses petits-enfants, l’une a suivi l’école du LOUVRE, l’autre est chercheur sur la maladie de Parkinson. Enfin son épouse, avec qui il œuvre quotidiennement : chez les forains, c’est indispensable, c’est la femme qui tient les comptes et dans notre corporation, on se marie pour la vie.

Nous avions terminé notre entretien, il se ravise et nous dit, en fait, oui, j’ai un regret. Si le sort de l’Algérie avait évolué différemment, je serai resté là-bas, à proximité d’Oran et Roland, avec une voix empreinte de nostalgie, nous cite tous les villages environnants.

Quel empereur !

PRO Paul Raydo Obadia

1 la principale cause des yeux vairons est une anomalie héréditaire.

2 Grande fête populaire niçoise pour célébrer l’arrivée du printemps

Photos de la collection de Roland DE ZORDO et PRO

 

 

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